En plein essor depuis les années 90 avec l’arrivée des sports californiens et leur « culte du corps », la course à pied ou running semble prendre un nouveau tournant et intégrer de plus en plus notre vie de tous les jours.
Parfait outil de santé, elle est l’alliée de celui qui recherche le dépassement, l’exaltation, autant que celui qui cherche à se maintenir en forme. Mais elle peut réserver bien des surprises à celui qui ne la pratiquera pas de façon pensée, raisonnée et bien équipée.
Si les produits de plus en plus techniques intègrent le marché de la chaussure et du running, le choix d’une chaussure adaptée est primordial pour le coureur, tant elle peut vite devenir une arme qui se retourne contre lui s’il la choisit mal. En effet tout notre squelette reposant sur nos pieds, si cette base est mauvaise le fonctionnement des étages supérieurs sera faussé.
Alors quels peuvent être les risques d’un mauvais chaussage ? Quels sont les pièges à éviter lors du choix et les critères physiologiques, anatomiques de sélection ? Quels sont les test qui vous permettront de confirmer si la chaussure est bien faite pour vous ?
Ce sont les vraies questions que vous devez vous poser en tant que coureur, que vous soyez débutant ou bien coureur bien plus régulier. Nous évoquerons également les cas particuliers des pratiques du trail.
Fort de mon passé d’étudiant en STAPS, de mes expériences de sport de haut niveau ainsi que celles professionnelles passées sur le terrain (UTMB, 6000D…) je vous donnerai ici quelques pistes non exhaustives pour être le plus rigoureux dans le choix de vos chaussures et ainsi éviter quelques petits désagréments, voire même de vilaines blessures.
Les risques d’un mauvais chaussage
Tout d’abord, il est important de savoir qu’un mauvais chaussage peut augmenter les troubles d’appui de n’importe quel coureur, et même parfois en engendrer tant la technologie de la chaussure n’est pas adaptée au pied du coureur.
Aussi, s’orienter vers une paire de chaussures à technologie « pronatrice » ou « supinatrice » sans un avis podologique peut s’avérer un choix peu judicieux. En effet, ces chaussures n’étant que des modèles de série, la correction intrinsèque ne sera pas appropriée aux différents morphotypes des pieds des coureurs qui les utilisent, aux éventuelles déviations (talons valgus/varus, chute de la voûte plantaire, avant pied varus etc…) et encore moins à leur gabarit corporel.
Je retrouve souvent des patients en consultation qui viennent me voir en me demandant « dois je prendre une chaussure pronatrice (attaque du pas interne), supinatrice (attaque du pas externe) ou neutre/universelle (attaque du pas neutre) ? ».
Pour la raison énoncée plus avant, la plupart des podologues spécialisés en course à pied vous conseilleront de prendre des chaussures universelles, et ce, même si vous faites partie d’une des deux autres catégories, et j’abonde dans leur sens.
En effet, si après examen réalisé par un podologue sur plateforme, et après analyse précise, il s’avère qu’il y ait une correction à mettre en place elle sera beaucoup plus précise avec des semelles de correction qu’avec une chaussure «correctrice» dont on ne connait pas le degré de correction apporté, réalisée en série comme explicité auparavant. De ce fait une chaussure possédant déjà une correction peut provoquer des douleurs, augmenter des douleurs déjà présentes à certains moments de la course, voire complètement.
D’ailleurs prenons le temps d’énoncer quelques pathologies récurrentes retrouvées lors d’un mauvais choix de chaussures, et amplifiées par l’appui :
Les blessures d’ordre tendineux : comme les tendinites d’Achille, les périostites tibiales, les aponévrosites plantaires, les tendinopathies de la patte d’oie, ou bien encore des fibulaires.
Les instabilités : entorses de cheville et pathologies rotuliennes.
Les surcharges : Fracture de fatigue etc.
Alors quelle chaussure choisir parmi le choix pléthorique qui s’offre à nous ?
Je vous propose de vous apporter quelques éléments de réponse que j’ai pu validé au cours de mon exercice libéral en cabinet avec mes nombreux patients coureurs (loisir et compétition).
Comment bien choisir sa chaussure de course ?
Eviter les pièges : Tout d’abord, et pour être tout à fait généraliste, il sera de bon d’éviter les pièges classiques comme l’esthétique (marketing), le prix, les outils d’analyse du magasin dans lequel vous allez essayer et acheter vos chaussures, ou bien encore en corrélation avec les expériences professionnelles du vendeur (exemple typique de certains magasins de sport) qui n’a aucune formation dans l’analyse clinique du patient et la détermination du choix de chaussure en rapport avec celle ci. Et enfin, même si on a nos habitudes avec telle ou telle marque, ne nous fions ni aux nouveautés ni à notre « attache » à ce qu’elle représente.
Nous éviterons quelques points particuliers : l’évidement au niveau talonnier qui peuvent être une source d’instabilité, les corrections incluses vues plus haut, l’axe de la semelle qui doit être droit, la découpe de la semelle.
Prenons plutôt en considération certains critères propres à chacun d’entre nous comme :
Critères physiologiques de sélection
Le sexe : l’émancipation de la course à pied en tant que loisir a aussi séduit les femmes dans leur recherche de « maintien de la ligne », et il est important qu’elles puissent choisir des modèles propres à leur physionomie de pieds, qui peuvent être par exemple plus larges du fait d’une déviation d’orteils (hallux valgus, etc…). Mais c’est aussi le cas pour les femmes qui recherchent la performance. La plupart des modèles sont ainsi développés en modèle masculin ainsi qu’en modèle féminin. Ils prennent en compte bien évidemment la physionomie propre de la femme, mais également un choix de couleurs plus « féminines »
Le poids : il sera également facteur de la sélection de la chaussure. On verra par la suite que certains tests nous permettent de savoir quelle chaussure offre plus de maintien. Evidemment plus le coureur sera lourd, et plus les répercussions au niveau de son squelette seront importantes, il faudra donc être attentif aux capacités de la chaussure.
Critères anatomiques du pied
J’ai l’habitude de dire à mes patients de choisir leurs chaussures dans l’absolu à partir de 17h. En effet, les pieds subissent un œdème physiologique, si vous mesurez la longueur et la largeur de vos pieds et que vous comparez les mesures prises le matin et à celles prises le soir vous constaterez que le pied a subit un gonflement en fin de journée.
Il faut donc tenir compte de ce mécanisme puisque celui ci est automatiquement reproduit lorsque l’on pratique un sport, et ce à n’importe quelle heure. Lorsque vous essayez une paire de chaussures à 10h et que vous vous sentez bien dedans, il est à peu près sur qu’elle vous donnera l’impression d’être étroite en fin de journée, en plus de cela si vous portez de semelles orthopédiques et que vous avez oublié de les essayer lors de l’achat, et bien vous avez tout faux !
Cette notion est d’ailleurs valable tant pour les chaussures de running/trail que pour les chaussures de ville. Pour paraphraser un confrère, il faut savoir trouver un modèle dont le chaussant est adapté à votre pied et non l’inverse, adapter son pied au chaussant. Aussi, si votre pied est comprimé ou que vous sentez un contact avec la chaussure surtout au niveau de l’avant pied, bravo : vous avez encore tout faux.
La pointure des chaussures correspond donc à la longueur de votre pied, mais il faut savoir qu’il arrive très fréquemment que le pied droit n’ait pas la même taille que le pied gauche. Dans ce cas mesurez-le et le pied le plus grand sera votre référence lors de vos achats de chaussures.
Laissez de la marge pour les orteils c’est-à-dire que lorsque votre pied est chaussé vous devez être capable de laisser passer la largeur d’un doigt en arrière du talon dans la chaussure.
De même, lorsque vous prenez la semelle de propreté de la chaussure de running, vous devez pouvoir poser votre index entre votre orteil le plus long et la fin de la semelle.
Pour les coureurs qui courent des distances longues voire très longues, telles que des marathons ou des trails, n’hésitez pas à porter une pointure et demie au dessus de votre taille habituelle. Evidemment il ne vous restera plus qu’à trouver le bon réglage avec un laçage adapté, pas de panique, les entrainements sont fait pour cela.
Si vous avez bien suivi le raisonnement depuis le début, il nous reste une caractéristique anatomique du pied importante à prendre en considération dans le choix de votre chaussure de course : la largeur de votre pied. Elle est aussi importante pour les mêmes raisons désagréables qu’une pointure trop petite. Pour cela, comme précédemment, il vous suffira de retirer la semelle de propreté (semelle interne) de la chaussure et de poser le pied dit « fort » dessus et de constater s’il ne déborde pas de cette semelle.
Je vois souvent en consultation des patients dont la chaussure est plus étroite que le pied en lui-même, le patient s’étant focalisé sur une marque dont il aime la « philosophie », des recommandations d’un ami ou d’un vendeur « bienveillant », une pub dans un magasine, et j’en passe.
Les attentes du coureur
Dans l’absolu, le coureur « compétiteur » choisira un modèle d’entrainement et un modèle « compétition » plus légère, plus dynamique avec moins de temps de contact au sol. Voire même un modèle route (entrainement/compétition) et un modèle « tout terrain ». Il devra, s’habituer à penser à plusieurs facteurs inhérents à sa pratique, avec notamment :
La fréquence d’entrainement : elle sera évidemment l’une des grandes caractéristiques à prendre en considération dans le choix de la chaussure. Cette dernière doit pouvoir permettre au coureur d’enchainer les séances, longues, fractionnées ou à seuil.
La distance hebdomadaire parcourue : la capacité d’enchainer les séances du coureur, ne doit pas être entravée par la qualité des composants de la chaussure. Le prix ne sera pas forcément un critère de qualité, mais y participera néanmoins. Attention à bien prendre en note les séances d’entrainement hebdomadaire;
Le type de terrain sur lequel vous courez : je l’ai mentionné plus haut sans précision, mais il évident que comme chaque sport à sa chaussure spécifique, la course sur route et la course nature détermineront des caractéristiques totalement différentes en terme de matériel chaussant.
Tests à réaliser en magasin
Maintenant que nous avons trouvé la chaussure adaptée à nos pieds, réalisons quelques tests très simples à mettre en œuvre :
Test du contrefort : testons si le contrefort arrière (au niveau du talon) est rigide en exerçant une pression latérale assez conséquente.
Test de la semelles inférieure : testons la semelle inférieure de la chaussure à la main ; le test est validé si et uniquement si la flexion de la chaussure se fait sur l’avant pied et non au milieu de la chaussure.
Test de l’essorage : de la même manière exécutons un test « d’essorage » de la chaussure ; celle ci ne doit pas se vriller même avec un couple de torsion important. Imaginez un peu avec plus de 3 fois le poids du corps du coureur à chaque foulée ce que le défaut de « solidité » ou de « fermeté » de celle ci pourrait engendrer.
Cas particulier : la chaussure de trail
Tous les podologues vous le diront, le traileur et la traileuse (!!) savent ce qu’ils veulent et constituent des patients particulièrement exigeants sur le matériel à acheter.
En effet, choisir sa chaussure de trail est une histoire de symbiose, de sensations fortes entre le corps de l’athlète et la chaussure qui sert de relais avec le terrain, pour la plupart du temps accidenté. C’est un véritable filtre d’informations de ce dernier. Il permettra au traileur de savoir si l’accroche sera suffisante dans une descente, ou bien par exemple de savoir si il y’a nécessité de réduire la foulée sur une zone dangereuse.
Mais l’énergie du traileur est primordiale dans sa quête de « finisher », et les chaussures doivent pouvoir assurer un rendement à 100%. Elle doit donc être stable, et permettre une bonne accroche.
En résumé, plusieurs points pour choisir avec soin sa chaussure de course
Le confort immédiat : sensations à l’interieur du chaussant, coutures perceptibles.
Le maintien du laçage : solution de laçage à ne pas négliger avec éventuellement une « poche » pour ranger les lacets au niveau de la languette.
L’amorti avant/arrière L’accroche : elle doit être fonction du terrain sur lequel le coureur évoluera et doit être déterminée dans la globalité sur des épreuves dont les dénivelés sont importants.
La tenue du pied : pour éviter les phlyctènes et autres conflits épidermiques (hématomes unguéaux) lors de l’épreuve, qu’elle soit longue ou courte.
La stabilité : pour éviter le risque de blessure sus-jacente au pied (cheville/genou/hanche).
La qualité du déroulé : elle va avec l’axe de la chaussure ainsi que la capacité de la chaussure à se plier sur l’avant pied.
La protection du pied : certaines chaussures sont équipées de « pare-pierres » au niveau des orteils pour éviter toute déconvenue sur terrains chaotiques ou pierriers
Conclusion
L’avis d’un vendeur ne peut pas remplacer celui d’un professionnel de santé, alors en cas de doute pensez à consulter un podologue.
Le choix de la chaussure dépendra bien entendu de ce qu’on voudra en faire, mais les critères anatomiques du pied sont tout aussi importants à prendre en considération.
Il existe deux points sur lesquels je suis intransigeant qui sont la torsion et la neutralité, ce sont des gages de sécurité dans votre pratique quotidienne ou hebdomadaire de la course à pied.
Lors de votre « parcours du combattant » en magasin de chaussures il est important de « sentir » le produit dans vos mains et de pratiquer le test de l’essorage avec de la force. Rappelez vous que vous exercez plus de 3 fois le poids de votre corps à chaque pas et qu’avec la fatigue, cette moyenne a tendance à augmenter considérablement car le coureur devient moins efficient.
Evidemment, si une pathologie devient chronique, il sera important de mettre en cause le chaussage et de le vérifier. Ainsi vous déterminerez s’il est usé, ou bien s’il a été changé récemment, ou encore s’il est vraiment adapté à vos pieds et à votre foulée. Pensez à consulter un podologue si toutefois celles ci persistent.